Beaulieu - Valentigney berceau de l'industrie (les usines)
Par grandgirard-laurent Le 31/12/2018
Dans Autrefois
Usine Peugeot Frères actuellement Faurécia et Fuji Autotech France
Le moulin de Belieu figure déjà sur la carte de Cassini en 1760. Il est acquis en 1857 par les frères Jules et Emile Peugeot, qui y implantent un laminoir à froid et reconstruisent le barrage. Cet équipement produit des feuillards (bandes) en acier et alimente les deux établissements de la société Peugeot Frères à Valentigney et à Hérimoncourt (voir notice). Vers 1860, elle traite 7 tonnes d'acier par mois, qui sont convertis en articles de quincaillerie (baleines de corsets, ressorts), outils agricoles ou à main (scies, fers de rabots, moulins à grains, etc.). La société les Fils de Peugeot Frères se lance au début des années 1880 dans la fabrication des vélocipèdes (bicycles et tricycles), pour laquelle divers ateliers sont édifiés : une tréfilerie vers 1881 et un bâtiment à étage (ajustage et montage), un bâtiment en rez-de-chaussée (magasin des pièces brutes et forge), un atelier de polissage et de nickelage et des bureaux en 1885-1886. Un nouveau bâtiment abritant un atelier de vernissage et un magasin des produits finis est achevé en mars 1887. L'usine est pourvue de l'éclairage électrique dès 1883, fournit par une machine Edison. La production des trois modèles proposés (grand bi, bicyclettes à chaîne et tricycles) atteint 7 000 unités en 1892. Les ateliers sont endommagés par un incendie et une inondation en 1895. Leur reconstruction au début de 1896 permet d'atteindre une capacité de production annuelle de 15 000 unités, puis 20 000 en 1900. En 1900, la force motrice totale atteint 1 000 ch, produits par cinq turbines (270 ch) et quatre machines à vapeur Corliss. Outre son produit phare (modèle Lion), la société produit des vélos vendus sous diverses marques (Audru, Griffon ou Oméga).
C'est à l'usine de Beaulieu qu'est montée en 1890 la première automobile quadricycle à pétrole, équipée d'un moteur Daimler. La production passe à quatre modèles en 1891, puis 92 en 1896 (type 3 à type 13). Après le départ d'Armand Peugeot pour fonder l'usine d'Audincourt en 1896, les Fils de Peugeot Frères, suite à une clause de non-concurrence, poursuivent la fabrication de tricycles et de quadricycles à moteur dépourvus de banquettes, mais disposant de selles. En 1892, la société travaille dans quatre branches : la quincaillerie, l'outillage, le cycle et l'automobile. Après le lancement en 1901 de sa première motocyclette (modèle ZL), les ateliers sont réaménagés en 1903 pour une fabrication mensuelle de 400 unités. Suite à la fusion en 1910 des deux sociétés concurrentes Peugeot et la création de la SAACP (Société Anonyme des Automobiles et Cycles Peugeot), l'usine est dotée de laminoirs à chaud et produit des voiturettes, des cycles et des motocyclettes. Un bâtiment abritant les services commerciaux et comptables est construit à cette occasion. En 1913 est lancée la production de la Bébé Lion Peugeot (type BP1), conçue par E. Bugatti.
Pendant la Première Guerre mondiale, l'établissement produit également des véhicules à bras (porte-brancards) et des obus. Il poursuit après le conflit la fabrication des voitures de faible puissance et des cycles. L'usine s'étend vers le sud, sur la commune de Mandeure, avec la construction en 1920-1921 de nouveaux ateliers pour le modèle automobile Quadrilette. En 1922, l'usine de Beaulieu produit 120 000 bicyclettes par an et, avec celle d'Audincourt, 400 automobiles par mois. En 1926, la SAACP cède sa branche cycles à la SACP (Société Anonyme des Cycles Peugeot) : la fabrique produit des tubes en acier (20 t par mois) et assemble des cycles et des motocyclettes. La production de cycles atteint 162 000 unités en 1930. Celle des motocyclettes, vendues sous les marques Peugeot, Aiglon, Griffon ou Automoto, passe de 7 000 en 1926 à 19 000 en 1930. La société lance son vélomoteur P 50 en 1932, relayé après la Seconde Guerre par le cyclomoteur (moins de 50 cm3) et des motocyclettes de petite cylindrée. Vers 1955, l'usine s'étend vers l'ouest et compte 63 000 m² couverts. L'appareil de production compte alors environ 3 000 machines-outils. La société des Cycles Peugeot entre en 1966 dans la holding Peugeot SA. Elle abandonne vers 1970 la fabrication des motos, mais devient leader mondial sur le marché des cyclomoteurs, avec des usines à Saint-Louis (68) et une chaîne de montage à Romilly-sur-Seine (10). Parallèlement, l'usine de Beaulieu développe des produits à base de tubes d'acier (containers, casiers grillagés, accessoires de magasins) et fabrique des pièces automobiles (pots d'échappement, châssis de sièges, colonnes de direction). En 1967, le site s'étend sur 170 000 m², dont 100 000 m² couverts. A cette date, la production est orientée à 75% vers les pièces détachées pour automobiles, mais 200 000 vélos sont fabriqués annuellement.
En 1986, les sociétés Aciers et Outillage Peugeot et Cycles Peugeot fusionnent et créent la société ECIA (Equipements et Composants pour l'Industrie Automobile). La fabrication des cycles est alors transférée aux filiales Peugeot Cycles à Romilly, et Peugeot Motocycles à Dannemarie (68), ce qui entraîne la fermeture du site de Beaulieu. Une importante partie des bâtiments est détruite entre 1986 et 2001, laissant place à diverses constructions à vocation économique. Le site est aujourd'hui occupé par les équipementiers automobiles Faurecia et Fuji Autotech France. La partie nord du site a été achetée par l'agglomération du Pays de Montbéliard, qui va procéder à une restructuration. Les ateliers de fabrication subsistants sont en rez-de-chaussée, bâtis en moellon de calcaire enduit. Ils sont couverts de sheds en tuile mécanique, ou de toits à longs pans en ciment amiante ou en tôle. Construit à l'entrée de l'usine, un bâtiment (fonction administrative ?) de deux étages carrés est ajouré de baies couvertes d'arcs segmentaires en brique. Il est couvert de toit à croupes en tuile mécanique. Un bâtiment de 4 étages carrés (béton armé), flanqué d'une tour de 6 étages, a également été construit à l'entrée du site dans les années 1960. Il est couvert d'un toit terrasse.
L'effectif est de 400 ouvriers en 1889, 765 en 1900 (dont 630 pour les cycles), 1955 personnes en 1912, 3000 pendant la Première Guerre mondiale, 1800 (dont 450 femmes) en 1921, 2600 en 1925, 3500 ouvriers en 1955, 6000 en 1978 et 3700 en 1985.
Usine Peugeot Frères sur les roches à Valentigney
L'arrêté préfectoral du 13 février 1821 autorise Frédéric Louis Calame (1776-1858), gendre de Frédéric Japy, à fonder une "manufacture d'outils et de quincaillerie" sur la rive droite du Doubs, alimentée par un barrage. Le 15 novembre suivant, l'établissement fusionne avec l'usine dite Sous-Cratet des frères Peugeot, située à Hérimoncourt, sous l'appellation "Peugeot Frères Aînés, Calame et Maillard-Salin". La société fabrique des scies (170 000 par an), des fers à rabots, des buscs (éléments de corsets) en acier, et des articles de quincaillerie (60 quintaux annuels de ressorts de montres, des pendules et tournebroches, etc.). Après la liquidation de la société, la raison sociale devient Calame et veuve Maillard-Salin en 1832. En 1835, l'usine se compose de deux ateliers de fabrication (machines-outils, montage, trempe, polissage), d'un logement et d'une halle à charbon. Une nouvelle association, fondée en 1846 entre Jules, Emile et Constant Peugeot, Adolphe et Octave Japy et Eugène Bornèque, réunit l'établissement de Terre-Blanche à Hérimoncourt (voir notice) sous la raison sociale "Peugeot-Japy et Cie". En 1847, l'usine produit 38 t d'acier, avec une gamme de 186 articles de quincaillerie, grâce à deux martinets, huit laminoirs, 17 meules et une turbine hydraulique. Deux turbines sont en service en 1877, 4 en 1900.
En 1851, la société en nom collectif Peugeot Frères remplace Peugeot-Japy et Cie. Dirigée par Jules et Emile Peugeot, elle comprend l'usine de Terre-Blanche, ainsi que celle de Beaulieu fondée en 1856. La production des crinolines (armatures de robes) nécessite vers 1855 le rehaussement de trois niveaux de l'atelier originel appelé le "château". Près de 8 t d'acier pour crinolines sont produites par mois en 1860 sur les sites de Valentigney et de Terre-Blanche. A partir de 1874, Armand Peugeot étend le site au nord du pont sur le Doubs en créant "l'usine d'aval" : forge et halle des laminoirs à chaud, ateliers d'ajustage, de montage, de vernissage, de nickelage et de polissage, atelier de décapage et ferblanterie (1886), salle des machines et cheminée, redressement du canal d'amenée et aménagement de la salle des turbines. Un atelier des "ressorts et patins" est bâti vers 1895 à l'emplacement de l'ancienne halle à charbon. De nouveaux ateliers, une salle des machines à vapeur et une 3e cheminée sont édifiés au sud du site entre 1895 et 1904. La gamme des produits s'élargit : en 1866, elle compte, outre les outils classiques (scies, fers), des buscs, lames, agrafes, râpes, tondeuses, articles de serrurerie et d'horlogerie. En 1889, les cinq trains de laminoirs traitent entre 600 et 800 t d'acier, converti en scies (440 000), fers de rabots (600 000), ressorts pour horloges, tournebroches, pinces ou phonographes (un million), pièces de bicyclettes (chaînes, tubes, jantes) et articles divers (armatures de corsets, pince-nez, outils, etc.). La production passe en 1900 à 1 million de scies, 1,3 million de rabots et 1200 t d'acier laminé divers.
Fondée en 1878, la société Les Fils de Peugeot Frères entreprend en 1885 la fabrication de bicycles et de tricycles, qui seront assemblés à l'usine de Beaulieu. L'usine se lance ensuite dans la production de pièces pour automobiles (quadricycles à moteur), qui seront également assemblées à Beaulieu à partir de 1889. La création de la SAACP (Société Anonyme des Automobiles et Cycles Peugeot) en 1910 entraîne la réorganisation des sites et le recentrage de l'usine vers l'outillage et la quincaillerie (transfert des laminoirs à froid depuis Beaulieu, nouvelles installations de trempe et de polissage). Un atelier de laminage d'acier fin pour articles de métiers à tisser, ressorts d'horlogerie et phonographes, est créé en 1923, puis fermé en 1938. Un atelier pour grosses presses est construit dans la décennie 1920. L'usine est intégrée en 1954 à la société Peugeot et Cie (usines à Pont-de-Roide, Audincourt, Hérimoncourt et Valentigney) et agrandie dans la décennie 1960. En 1966 est créée Aciers et outillage Peugeot (AOP), filiale de Peugeot SA, qui poursuit la production d'outils à main laminés et forgés et qui fabrique des pièces pour l'automobile en acier inoxydable (enjoliveurs chromés, calandres, pare-chocs, etc.). La société est restructurée en 1981, ce qui entraîne l'abandon de la fabrication d'outillage à main en 1986. L'usine ferme ses portes en 1987, au moment de la naissance d'ECIA (Equipements et Composants pour l'Industrie Automobile), filiale de PSA qui travaille pour divers constructeurs automobiles. Les bâtiments, pour la plupart désaffectés, font l'objet d'un projet de réhabilitation.
Les ateliers de fabrication, datant du 19e et du 1er quart du 20e siècle, sont en moellon de calcaire enduit, à l'exception de quelques-uns bâtis en brique. Ils sont pour la plupart construits en rez-de-chaussée, pourvus de charpentes métalliques et couverts de sheds et de toits à longs pans. Situé au nord du site, l'atelier des grosses presses, à deux étages carrés, possède une ossature en béton armé hourdé de parpaings de béton. Il est couvert d’un toit à longs pans en tuile mécanique.
L'usine emploie 70 ouvriers en 1834, 170 ouvriers (dont 10 enfants) en 1844, 120 ouvriers (80 hommes, 10 femmes, 30 enfants) en 1847. L'effectif est de 180 ouvriers en 1855, 577 (hommes, femmes, enfants) en 1883, 1 040 ouvriers en 1900, 1 800 en 1969 et 1 100 en 1972.
Usine Sous-Roches à Valentigney
En 1830, Constant Peugeot (1809-1877) et ses cousins Victor, Louis et Charles établissent une fabrique de pièces pour machines de filature (broches, cylindres cannelés) dans un moulin construit au début du 19e siècle, situé sur la rive gauche du Doubs. Constant est le fils de Jean-Jacques Peugeot (1777-1818), co-fondateur de la filature d'Audincourt située en face, sur la rive droite de la rivière. Démoli au début des années 1830, le moulin laisse place à une usine communément appelée Sous-Roches, agrandie en 1844 et 1846 (ateliers de construction et de mécanique, maisons). L'atelier, situé sur un bras de la rivière, est prolongé sur l'île et un bâtiment d'eau équipé de turbines est édifié en aval. En 1852, la société Constant Peugeot et Compagnie fait construire un pont sur le Doubs reliant Audincourt au lieu-dit Sous-Roches. En 1860, seule la partie avale de l'île est bâtie. A cette époque, l'établissement importe des aciers fondus spéciaux de Saint-Etienne, de Russie et d'Angleterre, et exporte en Suisse, Allemagne, Italie, Espagne et Belgique. Il fait venir annuellement 180 tonnes de houille et de coke du bassin de la Loire. L'usine est agrandie en 1862 (fabrique et atelier), 1869 (atelier des machines à coudre) et 1870.
Suite au départ de Louis et Charles Peugeot en 1863, Philippe Japy s'associe à son beau-père Constant Peugeot, donnant naissance à la société Peugeot Japy et Compagnie. De 1867 à 1904, la société fabrique des machines à coudre en fonte et acier pour la lingerie, la broderie, la cordonnerie et la ganterie. Une cité ouvrière est édifiée au sud de l'usine à partir de 1871 (Voir information concernant la cité ouvrière). En 1878, l'usine est réputée posséder "40 ateliers" : laminoirs, machines à forger, fonderie de fonte et de bronze, ateliers de construction de machines, ajustage, etc. Elle fonctionne grâce à quatre turbines de 70 chevaux chacune et une machine à vapeur de 150 chevaux, installée en 1872. Elle est équipée en 1898 d'une dynamo pour l'usage de l'énergie électrique. A la fin du 19e siècle, elle produit annuellement 500 000 à 800 000 broches de filature, des ailettes, des cylindres cannelés, des cylindres de pression, des plates-bandes de métier à filer. Vers 1900, l'île est déjà probablement entièrement bâtie, et le bras ouest du Doubs est comblé, à l'exception du canal d'amenée, partiellement couvert. Sont également construits l'actuel atelier des fins de séries (à l'extrémité nord) et les ateliers des culbuteurs (à l'ouest, bâtiments à structure en fonte avec de la brique en remplissage).
En 1957, la société se convertit dans la sous-traitance automobile (arbres de transmissions et de roues, axes de culbuteurs). De nouveaux ateliers (forgeage, ébauches) sont construits à l'ouest du site dans les années 1970 et 1980. En 1991, la société devient société anonyme Peugeot-Japy Industries. Un nouvel atelier (ébauches de crémaillères) est édifié vers 1997, agrandi fin 2001. En 2002, les ateliers utilisent mensuellement 2 500 tonnes d'acier en barre et en tube pour réaliser des pièces mécaniques destinées à l'industrie automobile : axes de fourchettes de boîtes de vitesses, axes de culbuteurs, crémaillères de direction, tiges d'amortisseurs. Un nouveau bâtiment est construit à l'extrémité ouest du site vers 2005. Ces bâtiments neufs, situés à l’arrière, sont entièrement métalliques, couverts de terrasses ou de sheds. L'Agglomération du Pays de Montbéliard a acquis l'ensemble des bâtiments situés sur l'île. La production devant être progressivement transférée à l'ouest du site, ils seront libérés d'ici quelques années. Une petite centrale hydroélectrique, reprise par un particulier, est toujours en service (une turbine).
L'usine emploie une dizaine d'ouvriers en 1830, 150 en 1842, 250 en 1859, 700 en 1878, 900 en 1899, 573 en 1926 et 351 en 1972. L'effectif est de 620 employés en 2002, et 550 en 2011.
Les bâtiments actuels datent des 2e et 3e quarts du 19e siècle et de la 2e moitié du 20e siècle. En 2002, l'usine Peugeot-Japy Industries s'étend sur 80 000 m² dont 31 000 m² de bâtiments. Essentiellement construits sur l'ancienne île, les bâtiments du 19e siècle couvrent 18 000 m². Un entrepôt industriel (ancienne fonderie), le bâtiment d'eau, l'atelier outillage-entretien mécanique et les bureaux sont en moellon enduit couverts de toits à longs pans et de tuiles mécaniques. Les bureaux, recouverts d'un essentage de matériau synthétique, possèdent un étage carré, et l'atelier outillage-entretien mécanique en possède deux. Les ateliers de fins de série et d'usinage sont en moellon enduit couverts de sheds et de tuiles mécaniques. L'atelier des axes de levier de vitesse est en parpaing de béton couvert d'un toit à longs pans en ciment amiante. L'atelier des axes de fourchettes bordant la route est en brique et possède un étage carré couvert d'un toit à un pan en métal.
Source PSA/Aventure Peugeot